Introduction à la tristesse dans la vision taoïste
Introduction aux émotions
Les émotions sont des mouvements, des expressions jaillissantes, des messagers en quelque sorte. Elles ne sont, par nature, ni bonnes, ni mauvaises.
Chaque émotion a pour vocation de nous délivrer un message afin que nous puissions incarner de plus en plus qui nous sommes et nos valeurs, en souplesse dans le grand mouvement de la vie.
Une émotion n’est ni bonne, ni mauvaise.
Pour autant, son expression, la façon de la vivre et de la ressentir peut être perçu soit comme conforme au mouvement de la vie, car on le laisse s’exprimer. Soit comme une entrave à ce mouvement naturel.
En regard de cela, il n’y a pas de bonnes émotions comme la joie qui serait à favoriser et des mauvaises émotions, comme la colère ou la tristesse, qu’il faudrait diminuer ou faire taire. Il y a donc juste des mouvements émotionnels harmonieux ou dysharmonieux selon que l’on les entravent ou non.
Mais pour commencer à laisser les émotions s’exprimer à travers nous, nous avons besoin de comprendre leur utilité.
Le message de la tristesse
Et le message est plus important que le messager. Apprendre et reconnaitre les émotions et leurs messages permet de gagner en connaissance de soi et en sérénité.
Y compris dans les moments difficiles.
Le message de l’émotion est toujours le même, pour tout le monde, également si tu n’est pas à l’aise avec l’émotion en question.


» Rappelle-toi que tout change tout le temps. Tu es sensible au monde et à ces changements. Je serai toujours là lorsque tu résistes à l’impermanence du monde. «
Ta tristesse
Définition
Comme tu le sais, j’aime bien commencer par une petite définition pour poser un point de départ. Donc voici celle que j’ai trouvé moins pire, la définition du Petit Robert :
» État affectif pénible et durable ; envahissement de la conscience par une douleur morale qui empêche de se réjouir du reste. «
Bon, ça dit comment on se sent. Ça dit que c’est durable, ce qui donne à la fois l’impression que c’est long, mais pour autant c’est pas hyper précis. Bon, je vais pas analyser plus. Voyons ce que dit la médecine chinoise :
» État émotionnel de sentimentalité de sensibilité où l’on se sent impacté par les situations de la vie. La tristesse nous touche dans notre vitalité et notre perception du monde. «
En médecine chinoise, l’on différencie la tristesse du chagrin, qui lui s’apparente à une forme plus aigue et plus durable de tristesse, comme dans les cas des deuils, par exemple.
Quels sont les déclencheurs de la tristesse ?
Les déclencheurs de la tristesse peuvent être extérieur à soi comme intérieur. Il peuvent être très relatif d’une culture à l’autre, d’un âge de la vie à l’autre, mais il ont toujours à voir avec une situation que l’on pense ne pas pouvoir changer. À tord ou à raison.
Il y a un incompatibilité entre ce qui se passe et ce que je souhaite. C’est cette incompatibilité qui engendre la tristesse.
Lorsqu’une situation de vie nous impacte émotionnellement, parce qu’elle touche à quelque chose qui nous est cher, mais que nous pouvons agir sur l’issue de cette situation, sur son impact, l’élan naturel des émotions nous pousse plutôt à la combativité, à la réactivité, voir à la colère.
Mais lorsqu’une situation de vie nous rend triste, c’est avant tout parce que nous ne pouvons pas agir sur cet événement. Lorsque nous ressentons de la tristesse, il existe un caractère » inchangeable » voir définitif dans la situation qui nous impacte émotionnellement.
La tristesse nous met bien souvent face à notre impuissance d’humain, face aux limites de notre capacité d’action. La tristesse nous invite à l’acceptation de ce qui ne peut être changé.
Les déclencheurs de la tristesse sont une incompatibilité entre nos attentes ou nos espérances.
Rappelle-toi ce principe fondateur du taoïsme et d’autres approches orientales :
» Tout change tout le temps. Seul le changement est immuable. «
Lors que nous avons perdu de vue ce principe et que le changement survient de manière à nous faire perdre une reliance, un attachement, quelque chose de précieux et cher à notre coeur n’existe plus sous la forme qui nous nourrissait.
La tristesse est une émotion qui nous informe de notre résistance aux changements des cycles de la vie.
La tristesse nous informe également de l’impact du monde et de la vie sur notre état intérieur.


« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. » |
Cette citation de Marc Aurèle est fortement inspirante, car elle parle de faire la différence entre ce qui peut être changé et doit mobiliser notre émotion de colère sous une forme combative saine et les phénomènes sur lesquels nous n’avons pas prise, sur lesquels nous ne pouvons pas agir et qui nous invite à l’acceptation par l’émotion de la tristesse.
Les réactions physiologiques naturelles de la tristesse
La tristesse s’accompagne d’un mouvement énergétique de descente et de dispersion vers le bas. semblable à celui du métal.
Le mouvement énergétique de la tristesse est celui du retour au sol, au concret, à la réalité. Elle remet les pieds sur terre, littéralement. C’est un mouvement de dispersion et de descente en même temps. L’élément métal se rapporte au monde minéral dans la tradition chinoise.


La tristesse dans le corps
Comme la tristesse disperse l’énergie, lors de la présence de cette émotion, l’on peut sentir nos forces diminuer, notamment dans le bas du corps, dans les jambes.
L’émotion de tristesse et son mouvement énergétique sont reliés aux poumons. Elle peut impacter fortement notre respiration, engendrer des larmes et même une sensation subjective de froid, de dispersion de notre chaleur corporelle.


La tristesse vue par la médecine chinoise
La tristesse dans sa forme « physiologique » c’est dire saine pour notre expérience humaine, est essentielle au développement du sentiment de reliance humaine. Elle est le point de départ de la sympathie, de l’empathie et de la compassion.
Lorsqu’un événement nous impacte, nous touche, cette expérience nous permet par la suite de mieux appréhender l’autre dans sa vulnérabilité, surtout lorsqu’il y a une résonance sur le vécu.
La tristesse éveille notre sensibilité aux autres et au monde, ainsi qu’aux événements de la vie.
La tristesse s’accompagne du sentiment de perte. Celui-ci nous parle de notre attachement. Et du fait que les choses sont impermantes part nature. Rien ne dure toujours et c’est ce phénomène qui nous touche profondément lorsque nous sommes tristes.
Bien que ce soit une émotion qui puissent être profondément difficile à vivre, elle nous informe que nous résistons à un changement. Bien souvent nous avons aucunes prises sur ce changement. La tristesse est d’autant plus dure que la perte est grande et irréversible.
Elle peut selon les cas s’accompagner d’un sentiment d’injustice et faire naître la colère à ses côtés. Elle a donc un lien avec la colère. Ce sentiment d’injustice perdure autant que nous ne réussissons pas à donner du sens à cette perte.
Pour autant, la tristesse, même petite, nous éveille la sympathie, l’empathie et la compassion. Elle est essentielle à l’apprentissage de l’humanité en chacun de nous surtout dans la dimension des liens relationnels et dans les phénomènes d’interdépendances.
L’utilité de la tristesse
Si la joie nous indique lorsque nous sommes relié à ce qui nous nourrit, à ce qui fait sens profond pour nous, la tristesse est son opposé complémentaire et nous informe de la perte de cette source de joie.
Dans les philosophies orientales et dans le bouddhisme particulièrement, l’on parle de l’attachement, du rejet et de l’ignorance comme étant les trois sources de la souffrance humaine.
La tristesse parle de notre attachement à des sources de joie. Que ce soit des personnes, des situations, des relations ou des objets en terme de source de joie. La tristesse nous indique également combien nous ne sommes pas préparer à la perte. Combien nous sommes parfois ignorant des mouvements de la vie de son caractère éphémère. Rien ne dure. Et lorsque nous sommes dans un lien fort à une source de joie, nous avons parfois tendance à oublier cet enseignement sur l’impermance des phénomènes.
À partir du moment ou l’acceptation d’une situation inchangeable commence à se faire, la tristesse diminue. C’est ce que l’on nomme » processus de deuil » en occident.
(je ferais un sujet spécifique sur le deuil)
Le fait que nous soyons immanquablement exposé à des pertes dans nos vies humaines, permet plus enseignements de valeur qui nous mène à ce fameux discernement dont Marc Aurèle parle.
Mieux comprendre et assimiler profondément ces réalités à la fois humaines, mais aussi méta-physique. Comprendre que les situations plaisantes ne durent pas, que nous sommes mortels et que tout change tout le temps nourrit plusieurs axes vertueux en terme de sagesse humaine :
- LA PRÉSENCE
Le meilleur moment pour profiter de la vie est maintenant. Le meilleur moment pour ressentir la joie est maintenant. L’humain vivra toujours avec une forme d’incertitude. La tristesse nous renvoie à cette incertitude du futur.
- L’ASPECT UNIQUE DE CHAQUE INSTANT
Dans un livre que j’aime beaucoup, Le guerrier pacifique de Dan Millman, Socrate dit à son jeune élève de méditer jusqu’à trouver quelque chose de vraiment intéressant à dire. La méditation de Dan dure une éternité. À chaque fois qu’il pense avoir trouver quelque chose de bon à dire à son mentor, celui-ci le rembarre.
Puis Dan est saisit d’une forme de compréhention profonde et instantané face à une scène. Il donnera alors satisfaction à son enseignant en lui disant :
» Il n’y a pas de moment ordinaire. »
Le guerrier pacifique en livre
Le guerrier pacifique en film ( si tu as lu le livre, forcément, c’est pas autant puissant) en vostfr
- L’ASPECT PRÉCIEUX DE CHAQUE RELATION
Nous sommes mortels. Nos relations sont éphémères. Le comprendre en profondeur nous fait entrer dans une attention accrue à l’autre.
- LA COMPASSION ET L’EMPATHIE
» La tristesse creuse notre coeur afin d’avoir plus de place pour aimer. « J’aime particulièrement cette citation. Je trouve qu’elle résume parfaitement le processus physiologique de la tristesse de celui ou celle qui s’est laisser traverser par la perte, qui a ensuite accepter, petit à petit, et qui as la possibilité de maintenir son coeur ouvert tout en ayant la conscience de la fragilité de celui-ci.
Les caractéristiques d’une tristesse physiologique
Perception des causes
Comme dans d’autres émotions, le caractère physiologique dépend aussi de la « compréhension » de la situation. Aussi, il est naturel de ressentir de la tristesse dans toutes situations :
- Ayant un caractère incompatible entre ce que je veux et ce qui se passe, même infime.
- Ayant une composante irréversible ;
- Dans laquelle nous n’avons aucune capacité à apporter un changement bénéfique à nos yeux. Une situation qui nous fait nous sentir impuissant.
Donc si il est normal et même physiologique de se sentir triste dans des contextes possédants ces particularités, il est inadéquat de se sentir triste dans les situations avec les caractéristiques opposés :
- Il existe une compatibilité entre ce qui est et ce que je veux. Dans ce cas, il est sain de ressentir l’énergie combative de la colère.
- Il existe une composante réversible, pareil la colère est sensée être l’émotion opportune si nous avons du pouvoir dessus, sinon l’espoir peut se manifester dans cette situation.
- Nous avons du levier et une capacité action, il faut donc agir.
(bémol pour les enfants qui apprennent et ne peuvent pas faire forcément mieux que ce qu’ils observent autour d’eux.)
Proportion
Comme toujours, la proportionnalité est de mise avec les émotions. Non, il n’existe aucun barème pour savoir si la proportionnalité est saine ou non.
D’ailleurs, ce sujet est hautement influencer par notre culture et les époques. Notamment parce que les conséquences changent selon les contextes.
Donc si chacun et chacune peut avoir sa sensibilité face à certains sujets ou d’autres sont insensibles c’est bien parce que cela met en évidence ce qui est précieux pour nous en terme d’attachement.
Deuil en déni
Néanmoins je t’invite à garder à l’esprit que si la tristesse te semble disproportionnée, il y a de forte chance qu’un certains nombres de de deuil soient en « attente » de traitement.
C’est l’histoire du désespoir incompris de situation qui semble anodine vu de l’extérieur mais qui font l’effet de la goutte qui fait débordé le vase.
Vulnérabilité VS infériorité
Si le sentiment de vulnérabilité, de sensibilité accrue et d’impuissance est commun et naturel dans la tristesse physiologique, ce n’est pas le cas du sentiment d’infériorité.
Le sentiment d’infériorité est dans ce cas relié à de la culpabilité (consciente ou non). Un travail sur l’estime de soi et la culpabilité permettra de restaurer un sentiment de pouvoir personnel équilibré, ni trop impuissant, ni trop tout-puissant.
Acceptation
Dans la vie, il y a peu de chose dont on peut être certain à 200%.
Mais la perte, la mort, le deuil est une certitude pour tout les êtres humains. Aussi, l’acceptation -qui n’est pas de la résignation – est un processus sain et adaptatif face à l’irréversible.
Une tristesse saine diminue à mesure que le processus d’acceptation se fait. Lorsque l’acceptation de la perte ou de la situation irréversible sera totale – ce qui n’est pas obligatoire – la tristesse ne sera plus présente.
Il persistera peut-être du manque, une place vide dans un coeur, mais l’acceptation sera en court.
interaction physiologique
En médecine chinoise, il n’existe pas de scission entre le corps, l’esprit et les émotions. L’humain est vu comme un tout. Pour la vision taoïste, il est évident que les différents plans de la vie humaine sont interdépendants et d’influence mutuellement.
Aussi, l’émotion de tristesse qui est en lien par similitude de mouvement énergétique avec le poumon, à une forte influence sur cet organe. De même, une pathologie au niveau du poumon (selon un diagnostic médecine chinoise) aura une influence sur l’émotion de tristesse.
Si tu souhaites en savoir plus sur les correspondances de mouvement énergétiques je t’invite à lire cette page :
Je détaille ces interactions dans l’article : Focus sur la tristesse. En attendant, je t’invite à garder en tête l’interaction entre cette émotion et cet organe. Et surtout à envisager qu’un déséquilibre émotionnel peut venir d’un déséquilibre d’organe et vice-versa.




Les formes de TRISTESSES pathologiques
Dans l’article Focus sur la tristesse, je détaille les 5 formes de déséquilibres pathologiques de la tristesse :
- LA TRISTESSE EXCESSIVE
- LE MANQUE DE TRISTESSE ET L’ABSENCE DE TRISTESSE
- LA TRISTESSE ÉTOUFFÉE
- LA TRISTESSE INAPROPPRIÉE


Consolider les bases
En médecine chinoise, la notion d’équilibre se situe toujours entre le « trop », la notion d’excès et le « pas assez », la notion de manque, voire d’absence.
Comme à vélo, l’équilibre s’atteint dans le mouvement.
Ainsi, chaque émotion possède son mouvement propre, en lien avec le yin et le yang. Mais nous n’entrons pas dans ces détails. Si tu veux mieux comprendre ce sujet, c’est par ici :


Pour aller plus loin sur des sujets connexes à celui que tu viens de parcourir, voici mes suggestions de lecture :
Sur le blog :
- Le doute de soi est un signe de santé mentale
- Je suis un monstre, mais je me soigne ! Les remords et la culpabilité
- différence entre être et faire
- L’estime de soi, comment ça marche ?
- Être authentique avec soi
Sur ME · TAO · Organic :


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